L'amitié, c'est mutuel. Je t'écoute quand tu veux parler,
tu poses pas d'questions quand j'veux la fermer.

J’étouffe, j’en ai marre, j’ai les mains moites et le cœur qui bat. Il ne devrait pas. Il ne devrait pas. Et cette petite tête, qui me regarde, gazouillante vie qui me change les idées depuis déjà une heure. Blythe me l’a demandé comme un service, même si elle sait pertinemment que j’dis jamais non. Comment j’pourrai lui dire non ? J’ai bien trop peur qu’elle ouvre sa fenêtre pour crier au quartier mes petits secrets pour lui refuser quoi que ce soit. Et – chose que je n’aime pas forcément avouer – je les aime bien, elle et Galvin. Elle est courageuse, avec son gosse. Un peu la mère que j’aurai aimé avoir, si vous voulez mon avis. Je l’ai pas eu, tant pis. En attendant… c’est une bonne fille, encore jeune, alors elle a le droit de souffler, un peu, de temps en temps. Et ça m’empêche de trop penser à lui. Ce soir, je refuse d’y retourner. Je refuse. Il m’a déjà eu avant hier, j’ai pas envie qu’il y prenne goût. Il doit pas y prendre goût. Et pourtant… j’ai cette nouvelle paire de chaussure, petit extra que je me suis offerte en sortant du boulot… si vous saviez comme j’envi son regard sur moi. Je sais qu’il les aimera – pas tant qu’il se soucie des pompes que je porte, mais je me sens belle, avec. Et quand je me sens belle, je me sens désirable, et quand je me sens désirable… enfin, on sait où ça fini. Pas ce soir. Non, il ne faut pas. Alors j’accepte de garder le petit, me propose même s’il le faut, mais la mère a apparemment quelque chose à faire : il ne me faut pas plus de temps pour prendre la petite tête blonde sur ma hanche et l’emmener à l’autre bout du palier. Il me connaît, maintenant, j’pense même qu’il m’aime bien. J’ai toujours été douée, avec les gosses. J’aurai aimé être là pour Carter quand il était tout petit, mais… enfin, c’est une autre histoire. Pour l’instant, mon esprit s’évade, j’arrête de penser, et me concentre sur Galvin. Bonne distraction.

Une heure… les battements dans l’aiguille dans cette putain d’horloge murale commencent à me taper sur le système, et je dois rester concentrée. Le petit joue tranquillement avec une peluche, je tente un contact, il me regard, et retourne à sa peluche – elle et lui parlent le même langage, moi, depuis longtemps, j’suis ailleurs. Je tape du pied, passe ma main dans mes cheveux, pense à ce soir, ce que je pourrai faire, c’que je dois pas faire. J’ai envie d’une clope, je fume habituellement pas. Si le ptit avait pas été là… J’entends des talons hauts dans le couloir, signe que je tends vraiment l’oreille, puis le bruit d’une porte qui claque. J’attrape Galvin, l’enfant ne comprend pas, je lui explique qu’on va retrouver sa mère – parce que oui, je sais que c’est elle, j’en suis sûre. Quelques mètres seulement à parcourir pour joindre l’appartement de ma voisine, dans son claquement la porte s’était rouverte, je saisis la poignet en poussant légèrement « Blythe ? » J’entend du bruit, c’est soit la propriétaire, soit un connard de squatteur, dans les deux cas je me dois d’entrer ; alors j’exécute. Et, soulagement, la silhouette de la brune se laisse apercevoir. « J’peux encore le garder chez moi, si tu as besoin… » non, c’est faux, mais n’étant pas vraiment sûre que la jeune femme soit dispo pour son fils à cet instant précis, je me vois mentir, et m’en mords tout de suite la langue. Foutue raison. Tu crèves d’envie de te barrer, de tourner en ville, d’oublier, pour finalement te pointer là-bas ; rien que pour lui. Ouais, seulement… t’as un môme dans les bras, et tu peux pas le laisser comme ça. Et puis finalement, c’est ptete pas si mal, hein ? Aider, plutôt que céder. Je devrais y penser plus souvent. Sûrement. Je transpire l’envie de lui, et pourtant, je me contrôle, pas ce soir. Pas ce soir. Pas ce soir… « T’as pas envie de faire un truc, ce soir ? J’ai bien cette nouvelle paire de botte à sortir en ville, mais je commence tôt demain matin, alors un truc plus posé, tu vois… » foutaises, je ne commence certainement pas plus tôt, mais Blythe, je t’en prie, il faut que tu m’occupes. Avant que je ne me perde. A lui…

Une petite retouche maquillage et je serais prête. Je tourne la tête vers la pendule de la salle de bain. Je suis en retard. Très en retard. Et voila que m'enfonce le mascara dans l'oeil. Forcement je hurle. Et ma petite tête blonde favorite se glisse dans la salle de bain pour savoir ce qu'il se passe. Je lui ébouriffe les cheveux en le rassurant. Rien de grave. Je ne suis juste pas très douée, surtout quand je suis en retard et que je dois me dépêcher. Je ne sais pas me préparer en courant. J'ai besoin de temps. On fera sans pour une fois. Je laisse mon maquillage en plan sur le lavabo. Je rangerais plus tard, ce n'est pas bien grave. Je prend la main de Galvin et je le traine dans le couloir. Mon pauvre petit cœur ne comprend pas ce qu'il se passe. J'enfile mes escarpins Louboutin, mon petit cadeau après le divorce. Les chaussures, c'est le meilleur amie d'une femme. Et ça remonte le moral. Oh oui ! C'est fou ce qu'on peut se sentir sexy lorsque nos pieds se trouvent dans de jolies chaussures. J'enfile ma veste et je prend mon sac que je monte sur mon épaule. Tout en gardant la main de Galvin dans la mienne, je traverse le couloir. Direction l'appartement de Cole. Elle garde Galvin ce soir. Elle me rend un grand service. Je doit manger avec Lysander ce soir, en tête à tête. Malheureusement ni Iris, sa marraine, ni Tcheky, son parrain, n'étaient disponible pour le garder. Cole me sauve la vie. "Tu seras sage avec Cole, hein mon lapin ?". Galvin hoche la tête doucement tout en serrant fort sa peluche contre lui. La demoiselle ouvre la porte, en souriant légèrement à Blythe. La brune hoche la tête pour la remercier et elle s'éclipse en vitesse. Elle est en retard. Elle prendra le temps de discuter avec sa voisine et amie en rentrant.

Mes talons hauts claquent contre le sol de l'immeuble. Pourtant j'essaie d'être la plus discrète possible. Il commence à se faire tard et je ne veux pas déranger mes chers voisins. J'ouvre ma porte le plus discrètement possible. Il faut que j'aille aux toilettes. J'irais chercher Galvin après. Je délaisse mes Louboutin dans le couloir et je me précipite vers le petit coin. C'est urgent. Alors que j'ouvre la porte j'entends une voix « Blythe ? ». Cela me fait sursauter, même si je sais de qui il s'agit. Je me dirige vers Cole avec un sourire aux lèvres. « J’peux encore le garder chez moi, si tu as besoin… ». Je lui souris. Heureusement qu'elle est là. Galvin l'adore et elle s'occupe très bien de lui. "Merci Cole, mais je ne ressors pas" fit-elle doucement. Mon fils saute des bras de la demoiselle pour venir se coller dans mes jambes. « T’as pas envie de faire un truc, ce soir ? J’ai bien cette nouvelle paire de botte à sortir en ville, mais je commence tôt demain matin, alors un truc plus posé, tu vois… » J'embrasse la tête de mon garçon avant de lever les yeux vers Cole. Je montre sa chambre à Galvin qui la rejoint directement. "On ira les exhiber un soir tes chaussures promis, mais pas avec Galvin. Tu veux un verre ? Vin ou soda ?" demande-t-elle à son amie tout en se dirigeant vers la cuisine, lui faisant signe de la suivre.